Si je n'ai
pas au moins 300 vues avec un titre aussi racoleur, je ne sais pas où va le
monde ma bonne dame…
Alors que
j’ai habituellement tendance à m’en foutre comme de ma première cuillère (à
potage, donc), j’ai été confrontée la semaine dernière au sexisme ordinaire du
langage. Et (oh ! Surprise !) j’en ai été profondément agacée.
Résumé de la
situation :
18h30, il
fait nuit, il pleut et je dois laver une couette à la laverie automatique. Les
gens étant incapables de la moindre propreté, le parking est un piège à pneu constellé
de tessons de bouteilles. Et comme, en ce qui concerne les pièges, j’ai quelque
chose d’un elfe… Me voici dans le noir, sous la pluie, en t-shirt (parce que
les manteaux, c’est pour les faibles… ou ceux qui pensent à les prendre), à
changer ma roue éclatée.
Règle numéro
un avant d’affronter une corvée : râler. Si si, c’est important. Ça rend plus
efficace, surtout si vous y ajoutez une bordée d’injures. Étant seule, j’envoie
une photo du carnage et un petit commentaire cynique à un ami compatissant
avant de me mettre à la tâche.
Quelques
minutes et de nombreux jurons plus tard, réponse de l’ami compatissant et
dialogue improbable :
«- Merde !
Comment tu vas faire ?
- Heu… Je vais
changer la roue ? Que veux-tu que je fasse d’autre ?
- Mais tu
sais faire ça ?
- Oui.
D’ailleurs j’ai déjà fini.»
Et là,
réponse :
«- Wahou !
Quel bonhomme !»
Perplexe,
j’hésite entre rire, me gratter une couille ou vérifier que mes seins sont
toujours là.
Sachant que
l’ami en question n’a vraiment rien du «gros macho sexiste pourvu d’un QI
négatif», que c’est même un fervent militant de l’égalité des sexes, je sens
bien que sa phrase est supposée être un compliment… Mais vraiment, je n’y
arrive pas.
Un bonhomme ?
Vraiment ? L’usage approprié du cric et de la clef à pipe aurait donc provoqué
l’ablation magique et subite de mon utérus (et de ce qui s’y rattache, on ne va
pas chipoter pour si peu) ? Et la poussée, également magique et subite, d’une
paire de bourses velues surmontées d’un petit chauve en col roulé ?
Non,
vraiment, je m’interroge… Je viens d’investir dans une nouvelle cup, dois-je la
renvoyer au profit d’un lot de rasoir Gilette ? Ou puis-je inverser le
processus en repassant convenablement un col de chemise ?
Plus
sérieusement, ce sexisme ordinaire du langage m’exaspère. Comme si une femme
capable de s’assumer de A à Z devenait, d’un coup, pouf pouf, un homme.
J’en déduis
que l’autonomie est un obscur breuvage de sorcière à haute concentration en
testostérone. Un genre de potion magique à base de coucougnettes broyées
(avouez que vous avez l’image... De rien, ça me fait plaisir.) qui
transformerait celui qui le consomme en un être admirable, pourvu de toutes les
capacités, donc d’attributs masculins.
Petit cours
de biologie appliquée à la mécanique de base : pour changer une roue, il vous
faut : une roue neuve, une clef à pipe de la bonne taille, un cric, vos mains
et éventuellement le poids de votre corps pour desserrer les écrous. ET C’EST
TOUT ! Comme vous voyez, l’usage d’un pénis est inutile. Voir franchement
déconseillé… sérieusement, ça doit faire super mal…
Dans notre
prochain numéro, nous verrons comment cuire des saucisses sans vag… Pardon, je
m’égare.
Le pire dans
tout ça, c’est que cette petite phrase anodine se veut un compliment. Alors que
la même phrase au féminin est employée… comme insulte.
Un homme est
ému par un film ? Quelle gonzesse ! *rire gras*
Un homme sait
cuisiner et prend plaisir à le faire pour sa femme ? Une vraie petite femme
d’intérieur ! *rire gras bis*
J’invite
d’ailleurs les coutumiers de cette dernière version à aller le dire à Gordon
Ramsay dans sa cuisine. Moi, je regarderai en riant avec du pop-corn (au
beurre, pour le gras).
Donc reprenons,
pour être bien sûr-e-s d’avoir tout compris :
- L’autonomie
est une potion à base de testostérone.
- La
sensibilité (et la capacité à faire son ménage) est une potion à base
d’œstrogènes (et c’est carrément la honte).
Et les «comme
une fille» se multiplient comme synonyme de médiocrité : Tu cours comme une
fille, tu pleures comme une fille, tu frappes comme une fille… Juste pour
information, la dernière fois que j’ai frappé quelqu’un (sur un tatami), il a
dit «aïe». Et même «Aïeuuuuuuuuuh ! Pu**** de bor*** de mer** ! Tu m’as fait
mal, conn**** !». Pas «tu frappes comme une fille».
Personnellement,
je trouve cette tambouille indigeste. Et il serait plus que temps de dégraisser
le bouillon du langage de toutes ces allusions idiotes. Car au final, ces
phrases sont tellement passées dans le langage courant qu’elles ne sont même
plus vraiment sexistes. Seulement débiles. En tout cas pour une majorité de
ceux qui les emploient. Et soyons réalistes : la minorité restante est à
dégager avec la graisse du bouillon.