lundi 13 juillet 2009

De l'art délicat du pastiche


En discutant "atelier d'écriture" jeudi soir, à l'occasion d'une dédicace, j'ai eu envie de me refaire quelques exercices d'écriture. Et en particulier un : le pastiche.

Pour ceux qui ne connaissent pas, l'exercice du pastiche consiste à écrire un texte à la manière d'un auteur donné. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il ne s'agit pas d'un plagiat : le plagieur cherche à faire passer son texte pour un original de l'auteur copié, alors que le pasticheur cherche à rendre hommage au style d'un auteur en annonçant tout de suite "à la manière de".

Si d'aventure l'exercice vous tente, voici quelques conseils (ceux-là même qu'on m'a donné à mes premiers essais) :

=> Un auteur se pastiche toujours dans sa langue. Essayer de pasticher Edgar Poe en français revient en fait à pasticher Baudelaire.
=> Plus un texte est long, plus il est difficile de tenir un style qui n'est pas le notre jusqu'au bout. Les meilleurs pastiches seront donc souvent les plus courts.
=> Pour pasticher un style, il faut d'abord l'étudier : les thèmes, les lieux, les personnages dont l'auteur est friand sont aussi importants que la façon dont il use de la ponctuation, son registre de langage, son vocabulaire récurent...
=> Enfin choisissez toujours un auteur que vous aimez. Lorsque l'on pastiche un auteur que l'on déteste, on tombe très vite dans la parodie cynique. Or les caricatures font de piètres pastiches...

Pour l'exemple, en voici deux de mon cru. Ils ne sont peut-être pas excellents, mais je me suis bien amusée à les faire ! Et le meilleur moyen de savoir s'ils sont réussis, c'est de ne pas vous dire qui est ici pastiché : à vous de trouver !

Edit : puisque Gabouga râle qu'il n'y a rien à gagner, le premier qui trouve les deux auteurs gagne un paquet de chamalows (ou de bonbons de son choix) !

Premier pastiche :


Monsieur Courteau, peintre de grand talent mais bien piètre médecin, car n’ayant fait que très peu d’études, avait prié un de ses amis, le docteur Théron de venir l’assister auprès de sa femme. A peine arrivé, ce brillant aliéniste s’enquit immédiatement de la santé de Mme Courteau, fort intrigué, à vrai dire, par les motifs qui avaient amené son ami à s’enquérir de l’avis d’un expert en matière de psychiatrie.

Le peintre lui répondit en ces termes : « Mon cher, tu vas te rendre compte par toi-même. D’ailleurs, elle te racontera elle-même les faits. Il m’est impossible de discerner si elle est encore lucide ou bien définitivement emportée par sa folie. » Comme il disait ces mots, ses mains s’étaient mises à trembler, comme entraînées par une irrépressible angoisse. Il conduisit son ami dans la chambre de la malade. Assise dans un fauteuil, près de la fenêtre toute grande ouverte, elle semblait plus pâle encore que les fleurs des pommiers au dehors, et incroyablement amaigrie comme le sont ces patients que les maux de l’esprit rongent de l’intérieur.

Ayant sourit et tourné la tête vers eux, elle dit : « Bonjour Armand, je sais pourquoi vous êtes venu et je vais vous raconter mon histoire puisque François m’en a priée. Il me croit folle. Peut-être le croirez-vous aussi, mais j’en doute, à la lumière de ce que je m’apprête à vous conter. Lorsque j’en aurais fini, il est certain que ni lui ni vous n’aurez plus de doutes, et que vous comprendrez que je suis malheureusement tout à fait saine d’esprit.
Mais je veux commencer par les faits eux-mêmes, les faits dans leur simple vérité.
Cela remonte à 4 mois à peine. Je m’appliquais alors à la taille de mes rosiers, comme il se doit à chaque début de printemps. Je fus prise soudain d’une étrange impression. Il me semblait que quelqu’un m’observait – ou quelque chose peut-être. L’inquiétude me prit, je cherchais des yeux partout, de part et d’autre des haies, quelle pouvait bien être cette présence que je ressentais jusqu’au plus profond de moi. Je ne vis rien. Mais cette épouvantable et inexplicable impression ne me quitta plus de l’après-midi, et même de la nuit, durant laquelle je ne dormis pas. Une sensation indéfinissable m’écrasait la poitrine ; il me semblait que, dans ce lit, nous étions trois.
Au matin, mes craintes étaient dissipées. Je songeais alors qu’une fatigue inhabituelle ou bien une insolation pouvait être cause de mon état de la veille. Je m’attelais donc de nouveau à ma tâche, et entrepris d’en finir avec les rosiers. Ce travail dura quelques heures avant que le malaise ne me reprit. Mais il me reprit bel et bien, et, tout à coup, je sentis deux mains me saisir par les épaules. Je me jetais en avant, fis demi-tour et brandis, tremblante, terrifiée, mon sécateur devant moi ; il n’y avait personne. Ah ! … J’avais peut-être été le jouet d’une hallucination ! Après une insolation et une nuit sans sommeil, cela était des plus concevables. Pourtant j’étais sûre de ce que j’avais ressenti. Je portais alors mes mains à mes épaules, et, à ma grande stupeur, je découvris que ma manche gauche pendait lamentablement, déchirée en lambeaux depuis l’emmanchure jusqu’au poignet.


second pastiche :

Depuis toujours, j'aime observer la vie nocturne. Souvent, alors que le jour vient de se coucher, je m'assieds sur le balcon qui surplombe les allées, le jardin et ses massifs. Et, ainsi pendant des heures, je demeure à contempler le silence et l'obscurité ; ce silence qui en effraye plus d'un mais qui tend plutôt à m'assourdir ; le voile qu'il pose sur toute chose est si épais que mes sens s'aiguisent à leur paroxysme pour percevoir le moindre son : un hululement, un clapotis, le froissement de l'herbe sous les bonds d'un lièvre. Ces perceptions restent imprimées pendant un laps de temps après que le bruit en lui-même ait cessé ; je ne les entends plus réellement mais elles persistent comme ces images lumineuses qui impressionnent la rétine plus longtemps qu'on ne les voit. Puis, le son s'estompe, comme le blanc du cercle chromatique lorsque celui-ci ralentit ; la persistance sonore s'efface, ne laissant plus possible qu'une reconstitution imaginaire des sons ; aussitôt de nouveaux bruits m'assaillent et mon attention se porte sur un nouveau point, plus loin peut-être ou juste à mes pieds, mais peut-être aussi dans une des maisons voisines, qui me semblent comme des objets curieux, posés-là, comme des éléments étrangers à la vie nocturne. Je me demande quel peut-être leur lien avec ce monde de la nuit ; j'entends les voix qui les habitent, fortes ou sereines, comme les composantes d'une mélodie, parlant dans le noir, me dire leur inappartenance à ce monde de silence nocturne où seul celui qui ne fait pas de bruit à ses chances ; Et l'obscurité qui restera reine des lieux jusqu'au petit matin rend plus perceptible le moindre craquement, le froissement des feuilles, les sifflements et les entremêlats du vent dans les branches qui dominent le balcon, le soupir du chat endormit à mes pieds.

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