dimanche 7 juin 2009

Le temps d'Aimée



Quand on écrit une histoire longue, comme un roman par exemple, le plus dur est de commencer. Enfin je trouve, après chacun son opinion !
L'histoire qui suit en est l'exemple flagrant : il y a au moins quatre ans que j'aurais dû commencer à l'écrire... Comme on dit, mieux vaut tard que jamais !
Pour vous situer un peu le contexte, l'histoire n'est pas de moi à 100%. Il s'agit d'une co-écriture avec mon père. Donc comme le scénario lui appartient, je ne vais pas vous le dévoiler ici, ou en tous cas pas pour le moment. Mais en avant goût, voici ce qui sera probablement l'ouverture du roman.
Pour le moment, le texte est "brut de décoffrage". Je n'ai pas du tout retravaillé dessus, il faut d'abord qu'il décante.

Ha... Et avant qu'on me pose la question, oui, les références sont voulues (je pense que tous le mondes saura les repérer, elles sont grosses comme des maisons), et non, il n'y a pas de faute dans le titre, c'est un prénom, pas le verbe.

Colin remonta son col aussi haut qu'il pût. Finalement, attendre la fin de l'averse pour quitter le monastère n'avait pas été sa meilleure idée : la pluie n'avait cessé que bien après la tombée du jour. A présent, l'air froid de mars, saturé d'humidité, se glissait dans les moindres ouvertures de ses vêtements pour le glacer jusqu'aux os. Jugeant son combat contre la bise parisienne perdu d'avance, le jeune homme préféra fixer son esprit sur l'observation de la ville que sur les frissons qui lui crispaient le dos.
A 21h passé, et contrairement aux grands axes, les ruelles de la Cité perdaient peu à peu de leur agitation. Maintenant qu'il avait passé le pont de l'Archevêché et qu'il voyait se profiler au bout de la rue celui de St Louis, il pouvait s'abandonner au calme relatif de la vieille ville. Négligeant le froid, il ralentit le pas et inspira profondément. Il aimait particulièrement l'atmosphère qui se dégageait de ces lieux. Les hautes maisons anciennes, les trottoirs mouillés brillant sous les réverbères, les sons étouffés s'échappant des appartements, parfois en compagnie d'un parfum de cuisine... Figées dans leurs reflets de lumière, les deux îles semblaient suspendues hors du temps, comme bloquées dans l'espace entre deux instants. Colin retrouvait au cœur de Paris l'ambiance doucement mélancolique des Romantiques. Lui-même, avec sa redingote noire au col relevé, son teint pâle et ses cheveux sombres aux boucles volontairement laissées à leur indiscipline, semblait échappé d'un de ces romans du XIXè, image vivante de cette littérature qu'il chérissait tant. Souriant pour lui-même, il poursuivit son chemin, usant de ses détours habituels afin d'éviter les rues les plus passantes. En grand habitué de la solitude, Colin détestait la foule. Il préférait de très loin rallonger son parcours, malgré la pluie qui s'offrait un rappel, et ainsi pouvoir laisser son esprit vagabonder sans risquer de percuter un quidam à chaque pas. Il laissait donc volontiers les boulevards aux citadins pressés de retrouver leur foyer, se réservant les ruelles sombres grignotées par la lumière des réverbères.

Au bout d'une petite demi-heure de ballade, Colin poussa la porte du bistrot situé au rez-de-chaussée de son studio. Une bouffée d'air chaud, où se mêlaient des odeurs de café, de tabac et de mauvais alcool l'accueillit sur le seuil. Se débarrassant de son pardessus mouillé, il salua le garçon de salle d'un mouvement de tête et s'avança vers le comptoir où le patron vidait les cendriers qui ne tarderaient pas à se remplir de nouveau.
-"Bonsoir Bruno."
Pendant que Colin s'appropriait le tabouret le plus proche, le bistrotier posa d'autorité devant lui deux petits verres d'un alcool sombre.
-"Salut M'sieur Ravi !" Salua-t-il avant d'ajouter, désignant les verres du menton : "Contre le froid. Santé !"
Joignant le geste à la parole, Bruno se saisit d'un verre, trinqua avec son ami et avala le liquide en renversant la tête d'un geste exagéré. Colin sourit à son exubérance mais porta néanmoins le verre à ses lèvres, avec toutefois beaucoup plus de réserve et de délicatesse.
-"Rhâaaaaaa !" Le patron ponctua son exclamation d'un claquement de langue avant de reposer son verre sur le zinc. Son client en revanche se montra moins appréciateur et reposa le sien avec une grimace.
-"Avec un tord boyau pareil, ce n'est pas un bistrot parisien que tu devrais tenir, c'est un saloon..."
"Je n'ai pas vraiment l'étoffe d'un cow-boy" ajouta-t-il avec un clin d’œil.
Bruno se fendit d'un grand rire avant de s'enquérir :
-"tu as faim ? Je t'ai gardé une assiette."
-"Merci c'est gentil."
Il s'éclipsa quelques minutes en cuisine pour revenir les mains chargées d'une généreuse assiette de blanquette de veau et d'une corbeille de pain. Avec la rapidité de l'habitude, il disposa, à même le comptoir, couverts pitance et cruchon de vin, avant d'inviter son ami à manger.
-"Alors, tu t'en sorts avec tes curés ?"
Colin pris le temps de boire une longue gorgée de vin avant de répondre.
-"Moines. Ce sont des moines."
-"Si tu l'dis. Alors ?"
-"Plutôt bien : je ne les vois jamais ou presque. En dehors du Père supérieur et du responsable de la bibliothèque, les autres je les vois juste passer devant les fenêtres de l'atelier."
-"Et les bouquins ?"
Colin réprima un soupir mais ne pût s'empêcher de lever les yeux au ciel. Bruno avait beau être son ami depuis plus de 20 ans, il ne se faisait toujours pas à l'entendre traiter de bouquin les livres inestimables qui lui passaient entre les mains.
"Magnifiques. La plus grosse partie du fond date du moyen âge. En fait de la fondation de l'abbaye. Ca rend la restauration plus difficile, mais d'autant plus intéressante..."
Il s'apprêtait à donner plus de détails lorsque quatre clients entrèrent. Bruno retourna donc à son travail et Colin à sa blanquette.

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