dimanche 16 mars 2014

Du juste échec



Échec. Voilà un mot qui sonne comme une fin en soi.
Lorsqu'on parle d'échec, on pense dans un premier temps "défaite", "abandon" ou "renoncement". Des mots tels que "dépassement" ou "persévérance" ne viennent à l'esprit que plus tard. Quand ils viennent.
Une pensée secondaire qui me semble pourtant être l'essence même de l'échec, sa continuité nécessaire.

Confrontation à l'échec


Certain d'entre vous le savent peut être, j'ai participé il y a maintenant une dizaine de jours à un stage d'arts martiaux à Marseille. Un stage d’aïkido avec Léo Tamaki Senseï, pour être plus précise.
Si je suis loin d'avoir brillé lors des précédents stages réalisés sous l'égide de ce Maître (ce n'est d'ailleurs pas l'objectif), cette cession m'a particulièrement déstabilisée. Je ne crois pas avoir jamais buté sur autant d'exercices en aussi peu de temps... C'est à dire sur la quasi totalité des exercices pour être parfaitement honnête. Je me suis rarement autant confrontée à l'échec en aussi peu de temps (7h30 de cours en tout). Mais très loin de me braquer, ces échecs n'ont fait que me pousser vers le cours suivant.

L'échec moteur

Je n'ai jamais considéré l'échec comme une fin, je ne suis jamais partie sur un projet en me disant d'emblée "si j'échoue, tant pis, je laisse tomber.". Pourtant je dois reconnaître que certains échecs, tous domaines confondus, ont été plus que cuisants et m'ont laissée suffisamment amère pour me couper toute envie d'insister. On n'est pas toujours à la hauteur de ses idéaux. Et s'il est facile de crier "Gambatte !" aux amis sur le point de baisser les bras, il nous arrive parfois d'oublier que nous pouvons être courageux ou persévérants. Il est parfois plus confortable de se dire "tant pis" que de se souvenir que nous sommes capables. Hautement capables, quand nous le voulons vraiment.

Mais quelques fois, un échec n'est rien de plus qu'un bond en avant. Aussi paradoxal que cela puisse paraître. Un grand coup de pied au derrière qui nous crie "Avance !". Il arrive parfois que, bien loin de nous arrêter, un échec vienne galvaniser notre rage d'avancer. C'est ce qui s'est passé pour moi il y a quelques jours. L'échec qui révèle l'évidence d'un chemin plutôt que la tentation d'en prendre un autre (plus facile).

A quoi ça tient ? Grande question. J'ai passé une bonne partie de mon dimanche après-midi à cogiter sur la question. Une grande partie du trajet de retour aussi. Et je n'ai cessé de retourner la question dans ma tête depuis une semaine. Qu'est-ce qui fait qu'un échec vous pousse en avant au lieu de vous stopper net ? Qu'est-ce qui fait que vous êtes encore à 1h du matin, sur la terrasse, dans le noir, à répéter un geste inlassablement ? Qu'est-ce qui fait que vous n'avez pas jeté l'éponge pour vous concentrer sur autre chose ? Qu'est-ce qui change l'échec frein en échec moteur ?

A cette heure, je n'ai encore que des ébauches de réponse. Ou plus exactement des germes de raisonnement qu'il sera nécessaire de laisser grandir.

Le miroir



Il me semble que la réponse que nous donnons à un échec dépend du miroir que l'on nous tend. Je développerait cette idée du miroir dans un prochain article, mais disons pour faire simple que chaque fois que nous interagissons avec une personne, cet "autre" nous tend un miroir et nous permet ainsi de voir une image de nous même. Inutile de se faire des illusions, tous les miroirs sont déformants. Parce qu'humains. Ils peuvent l'être plus ou moins, nous déformer positivement ou négativement, quoi qu'il en soit, ils renvoient toujours une image influencée. C'est cette influence qui va conditionner, en partie, notre réaction.
Face à un échec, si l'image renvoyée est teintée du mépris de celui qui tient le miroir, il y a peu de chance que cela nous pousse à renouveler nos tentatives. Les miroirs trop conciliants ("nan mais c'est l'exercice qui est nul") ont le même effet. Ils nous confortent dans notre état actuel, sans jamais nous pousser à avancer.

J'ai croisé bien des miroirs. Des méprisants, des insultants, des faussement flatteurs. Aucun de ceux là ne m'a jamais fait avancer. Mais parfois, on rencontre un miroir qui vous tend une image au plus proche de la réalité, à la fois sans mépris et sans fausse indulgence. Juste teintée d'encouragement et d'approbation de la tentative.
Voilà des miroirs qui contribuent à rendre un échec moteur, d'autant plus lorsqu'il sont tendus par un Maître pour lequel vous avez beaucoup d'estime.

Le juste échec

Mais en tout premier lieu, il est probable que la réponse dépende de l'échec en lui même. Pour donner une réaction positive, l'échec doit être juste. Pas au sens "mérité" (encore que), mais au sens "dosé".
Se confronter à un exercice et échouer à le réussir, c'est une chose. Échouer à comprendre ce qui est attendu, c'en est une autre.
A plusieurs reprise, j'ai entendu Tamaki Sensei insister sur le travail d'Uke et sur la juste difficulté à opposer pour amener son partenaire à un travail de plus en plus approfondi et précis.
Il me semble aujourd'hui entrevoir que ces paroles allaient plus loin, qu'elles concernaient davantage que le travail d'Uke.
Dans chaque exercice que j'ai échoué à réussir, j'ai pu percevoir ce qui était attendu et sentir physiquement mes erreurs. Si je suis encore très loin d'être en mesure de les corriger, cette prise de conscience est primordiale. Car c'est là que se trouve, à mon sens, le juste échec. Échouer, mais avec la possibilité de travailler sur cet échec, sur ses erreurs, ses défauts.
Pour être moteur, un échec ne doit amener ni rancœur ni volonté d'abandon, il doit apporter la frustration. Parce que la frustration, c'est l'envie de plus. C'est la frustration qui vous fait jurer dans l'échec, mais c'est elle aussi qui vous pousse à essayer encore et encore. Quitte à répéter indéfiniment le même mouvement, même à 1h du matin, même dans le noir, même, même, même... Peu importe. Ce qui compte, c'est que vous savez qu'il y aura un moment où vous réussirez. Un moment où vous aurez cette clef pour ouvrir de nouvelles portes, vers de nouveaux chemins (et de nouvelles frustrations...).

Le début d'un chemin



Je suis donc rentrée ce lundi riche de nouvelles sensations... et, vous l'aurez compris, de nouvelles frustrations !
J'ai la sensation étrange d'avoir fait tomber des murs. L'obstacle écroulé, mon champ de vision est plus large. Je peux voir le chemin à parcourir jusqu'à un horizon plus lointain (tout en sachant qu'il se poursuit derrière cet horizon). Il n'en reste pas moins qu'à mes pieds se trouve toujours un obstacle : les gravas du mur. Pour avancer, il va falloir dans un premier temps franchir cet obstacle. Ce qui annonce des jours, voir des mois (des années ?) de travail.
Mais loin de me décourager, c'est un travail attendu et souhaité.

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